Un soir au Bowling

Publié le par dark Saddler

Voici donc mon second récit. Pour l'écrire, je me suis inspiré d'une soirée que nos correspondants irlandais et nous-même avons passé au Bowling (ce fut la première fois que j'y jouais d'ailleurs), ainsi que d'une conversation qu'Alexandre et moi avons eu au sujet des bornes d'arcades que l'on trouve dans les bars et autres établissements de détente... Dans ce récit, j'avertis donc sur les perturbations mentales que peuvent engendrer chez certaines personnes un excès de pratique des jeux vidéo. Mais voici l'histoire: "Un soir, nous nous rendîmes à un centre de loisirs situé dans le quartier moderne de Meriadeck ou l'on pouvait pratiquer des activités ludiques diverses telles que le billard, le Bowling, mais également certaines distraction vidéoludiques... C’était une vaste salle souterraine à plafond assez bas, dont le sol était couvert d’une moquette grise et moelleuse. Son centre était occupé par des tables de billards et ses extrémités est et ouest par des rangés de pistes de Bowling. Il y avait au nord un bar proposant diverses boissons rafraîchissantes ou venaient régulièrement se désaltérer les joueurs. Nous commençâmes donc une partie de Bowling et je découvris avec joie cet intéressant jeu qui faisait appel à la concentration mentale aussi bien qu’à l’effort physique. Non loin des pistes de Bowling, il y avait un jeu vidéo d'arcade proposant aux joueurs de tirer sur de nombreux ennemis virtuels représentés sur un vaste écran, à l'aide de pistolet en plastique reliés à une console informatique. Ce jeu bénéficiait entre autres d'un rendu graphique très perfectionné qui lui conférait un réalisme frappant. Les ennemis à l'écran, vampires, monstres divers étaient si bien modélisés que l'on aurait juré qu'ils étaient réels. Tandis que nous jouions au Bowling, deux adolescents, de nous inconnus, avaient commencé une partie de ce jeu et, ayant chacun empoigné un des deux pistolets mis à la disposition des joueurs, tiraient sur leurs ennemis avec l'application et le sang-froid d'habitués du jeu vidéo, ayant au préalable inséré dans la machine quelques pièces de monnaie. Mais les ennemis se firent peu à peu de plus en plus nombreux et leurs attaques de plus en plus foudroyantes. Les deux joueurs durent donc redoubler d'attention et de précision, ce qui les conduisit progressivement à ignorer tout ce qui se passait hors de l'écran. Leur tir se resserra donc tandis qu’ils redoublaient de concentration. Leurs esprits en vinrent bientôt à être totalement absorbés par la horde de morts-vivants se présentant continuellement à eux. L'idée même qu’ils se trouvaient dans un établissement de loisirs, la foule environnante, la musique diffusée n'avaient plus aucun effet sur eux. Ils se mirent donc à pousser de sauvages et tonitruants cris de guerres, ce qui commença à incommoder les joueurs de billards des tables voisines. Cependant ces derniers, vraisemblablement habitués du lieu, savaient s'accommoder du bruit issu des personnes qui venaient se distraire au fameux jeu de boules. Ce n'était pas la première fois que l’on risquait de perturber leur infinie concentration, c'est pourquoi ils continuèrent à jouer comme si de rien n’était, tentant de les ignorer. Les postures droites et rigides qu’avaient adoptés nos deux tireurs au début de leur partie avaient progressivement évoluées en un déhanchement brutal. Le fait même de passer à moins de deux mètres d'eux constituait un danger, tant ils s'appliquaient à coordonner leurs mouvements en fonction de ceux de leurs ennemis, dans le but, vraisemblablement, d’acquérir une précision de tir toujours plus aiguisée. Dans leur frénésie, ils bousculaient tout ce qui était susceptible de gêner leur visée. Plusieurs clients du bar, qui, par inadvertance s’étaient trop approchés, furent ainsi molestés. Soudain, l'un des jeunes joueurs s'écria: "Ils sont trop nombreux, il nous faut un couvert! Son camarade, alors qu'un rassemblement circulaire de gens attirés par leurs attitudes s'était formé autour d'eux, fit un brusque demi tour, prit en un éclair un appui pour donner à son corps une impulsion qui le projeta par dessus la table de billard la plus proche. La surprise du groupe d'habitués fut alors totale et, sans qu'un seul d'entre eux n'ait le temps de réagir, le jeune joueur lança un formidable coup de pied contre la lourde table qu’il renversa, l’envoyant s’abattre avec un grand fracas entre l'écran et lui et son compagnon. Une fois que ce fut fait, il se jetèrent tout deux en position accroupie derrière la table renversée dont ils avaient fait un couvert, et recommencèrent à tirer, ayant bousculé de nombreuses personnes dans cette opération stratégique. Les tirs reprirent leur cadence normale, mais de plus en plus de joueurs de la salle furent choqués. Certains clients commencèrent même à protester de vive voix, exigeant que l'on ait recours aux services de sécurité de l'établissement, afin de les débarrasser de ces gêneurs. Il est vrai que le dernier geste qui leur avait fait renverser une table de billard semblait de trop, ce matériel étant coûteux et de qualité, sans compter la nuisance sonore inqualifiable. Les joueurs de Bowling, c’est-à-dire nous autres, commencions également à nous plaindre, car nos équipes réussissaient de moins en moins de tirs à cause de la pollution sonore causée par les deux tireurs et les boules qui partaient directement dans les gouttières latérales aux quilles se faisaient de plus en plus nombreuses. Les gérants de l'établissement, directement concernés par la satisfaction et le bien-être de leurs clients, décidèrent bien évidemment d'intervenir. Après avoir constaté les faits, et surtout voyant la table de billard renversée, ce qui jusqu'à maintenant leur avait échappé, leur volonté de rétablir promptement l’ordre redoubla et l'un d'entre eux alla parler aux deux perturbateurs. Il essaya de les raisonner mais se mit sans le vouloir entre eux et l'écran. Les deux joueurs le prirent pour un de leurs ennemis, puis voyant que leurs tirs n'avaient aucun effet sur lui et qu'il les empêchait d'atteindre leurs véritables cibles, ils le repoussèrent brusquement sans lui avoir dit un mot. Il refit une tentative, d'autant plus déterminé, par la réaction des deux joueurs. Il se remit donc fermement à la position qui lui avait valu d’être bousculé, mais à présent, les deux garçons semblaient avoir retenu la nature de ce nouvel "ennemi", et l'un deux lança à l'autre, sans même quitter des yeux l'écran : "Occupe t'en ! Je te couvre !". C'est alors que le second, d'un geste rapide et habile, vint à côté du membre du personnel de l'établissement et lui décocha un magistral coup de pied qui l’envoya rouler ,inanimé, à plus de deux mètre en arrière, vers la foule ,repoussée dans ce même mouvement. Une fois cela fait les deux joueurs, ne lui accordant pas même un regard, reprirent leur aventure. Des ruisseaux de sueurs froides coulaient le long des traits de leurs visages, longeant leurs yeux fixes et plus attentifs que jamais. Les muscles de leurs bras étaient convulsionnés dans une contraction extraordinaire, et les mouvements de leurs jambes étaient vifs et souples. L'on aurait dit de véritables braves et courageux guerriers combattant contre l'horreur pour la survie de l'humanité. Le dirigeant du centre de loisirs, qui revint peu à peu à lui, ne pouvait accepter plus longtemps une telle conduite, particulièrement à son égard. Il se précipita donc derrière son guichet, s'empara d'un combiné téléphonique spécial, et hurla que la sécurité le rejoigne. Pendant ce temps, les deux joueurs en venaient à manquer des pièces de monnaie indispensables à la poursuite de leur périple. L'un d'eux cria à son compagnon "Va chercher des pièces! Vite ! Je ne tiendrai pas longtemps seul!". À cet ordre, l'autre lâcha quelques derniers tirs, puis, relâchant son attention de l'écran, balaya en un éclair les alentours du regard. Il remarqua la foule de personnes et, ne réfléchissant qu'à peine, il bondit sur une vieille dame, empoigna son sac à main qu'elle tenait devant elle et en tira une pleine poignée de monnaie, avant de revenir en courant se replacer à côté de son compagnon, remplissant au passage la machine du butin de sa courte expédition. La personne âgée, n'ayant rien compris à ce qui venait de lui arriver, fut sujette à une défaillance cardiaque suivie d’un évanouissement, son sac tomba à terre. Ne se souciant guère de son état, le joueur tout occupé qu’il était à libérer l'humanité des griffes des monstres qu'il avait en joue, alla à nouveau puiser l’argent dans le porte-monnaie de la pauvre dame. Les agents de la sécurité étaient entre-temps arrivés. C'étaient cinq hommes grands et musclés, vêtus d’habits noirs sur lesquels étaient inscrits au niveau de la poitrine et du dos le mot "SECURITE" en grosses majuscules blanches. Silencieusement, froidement et méthodiquement ils vinrent entourer les deux joueurs, les poings sur les hanches, avec un sang-froid et une lenteur professionelle qui reflétaient leur longue habitude du métier qu'ils exercaient. La différence de carrure entre les jeunes joueurs et ces véritables colosses était flagrante, et l'ensemble des clients ,offusqués par ces événements, se voyaient déjà, avec joie et soulagement, débarrassés de ce gêne, grâce aux bras musclés, aussi épais que des troncs d’arbres, de ces hommes, plantés à leurs épaules carrées et massives, à leurs puissants pectoraux magnifiquement moulés dans leurs costumes noirs et vernis. Ils se dressaient, bien campés sur leurs robustes jambes, tels les piliers de l’ordre social, la loi incarnée. Les yeux des joueurs s'écarquillèrent soudain, ils poussèrent de grands cris en pointant l'écran du doigt. Cette réaction n'était point due à l'entrée des agents de la sécurité, comme on aurait pu le croire, mais à l'apparition, sur l'écran, de l'ennemi final qu'il leur restait à vaincre avant de remporter la partie. Cet ennemi était aussi bien évidemment le plus monstrueux, le plus impressionnant, le plus puissant et le plus rapide de tous ceux qu'ils avaient eu à combattre jusque-là. En même temps, un thème médiéval, qui mêlait orgues, battements de tambours et chœur de voix féminines, la musique classique du combat final dans de nombreux jeux vidéo, avait jailli des hauts parleurs intégrés à l’écran. Les traits des deux joueurs, qui ignoraient totalement les nouveaux arrivants, se durcirent en une implacable détermination. Le combat commença. Les deux joueurs, restés fixes pendant la présentation de leur terrible adversaire, marqués par la peur mais surtout la rage de vaincre, se mirent soudain à se mouvoir encore plus qu'auparavant. Les gestes étaient plus précis, plus rapides et plus calculés qu'ils ne l'avaient jamais été. Mais ,malheureusement pour eux, leurs munitions arrivèrent à leurs termes, totalement épuisées par les nombreux combats qu'ils avaient livrés. Ils eurent bientôt tiré leur dernière balle, mais l'ennemi démoniaque était encore loin de sa défaite, ils se trouvaient donc totalement à sa merci. C'est alors que l'un des deux joueurs, le seul à qui il restait un chargeur plein, lança à l'autre un ordre de collecte de recharges, d'un ton encore plus puissant que tout ceux qu’il avait lancé. Avant même la fin de ces paroles, le second se jetait à terre, glissant entre les jambes épaisse d'un des colosses de la sécurité, ayant remarqué qu'il bloquait le passage vers la source de munition convoitée. Le joueur partit en courant vers... les pistes de bowling. Il arriva à notre niveau. Sans rien dire, il m'arracha des mains la boule que je m'appréttai à lancer, et qui se trouvait être aussi la plus lourde et la plus volumineuse, me faisant perdre l'équilibre et tomber au passage. Puis, il revint au niveau de son compagnon et cria à l'ennemi à l'écran "Attrape-ça saloperie!" et, de toutes ses forces décuplées par la détermination et la colère, il projetta la boule sur l'écran qui éclata dans un éclair de lumière éblouissant suivie d'un torent d'étincelles grésillantes et d’éclats de verre. Un grand silence se fit. Les joueurs restèrent un moment immobile devant les débris fumants de l'écran, baissèrent lentement leurs armes, essuyèrent la sueur qui perlait sur leur front du revers de la main avant de se regarder, ahuris, les yeux ronds, n'osant pas croire en leur victoire. Ils se mirent soudain à sauter joyeusement et à s'embrasser avec force effusions, allant même jusqu’à verser des larmes de bonheur. Ils hurlèrent en choeur "On a sauvé le monde!" Se retournant vers les agents de la sécurité qui les entouraient toujours, immobiles et silencieux. Ils leur sautèrent au cou et se mirent à les embrasser. Ces derniers, stupéfiés par la situation, n'osèrent tenter le moindre mouvement. Les deux joueurs, profitant de leur confusion s'échappèrent de leur cercle et se mirent à courir tout autour de la salle, bondissant et étreignant tous ceux qu'ils croisaient. Ils sautaient de personne en personne, sans distinction, remplis d'un sentiment de félicité et de joie profonde. Après avoir fait le tour de l'assemblée, ils se mirent à courir en vainqueur décrivant de grands cercles et passant même sur les pistes dédiées au bowling, tout en poussant de forts cris de victoire. Les gérants, abattus et consternés par la perte de la borne d'arcade, hurlèrent aux agents de la sécurité de les jeter dehors, afin de mettre fin, une fois pour toute, au nombreuses perturbations qu’ils avaient causés lors de cette soirée. Ces derniers, qui s’étaient entre-temps ressaisis, se lancèrent à leur poursuite. Mais les deux perturbateurs couraient maintenant sur le parquet glissant des pistes de Bowling, avec une assurance et une adresse stimulées par leur joie. Les agents de la sécurité, plus lourds et massifs, avaient peine à les suivre sur ce dangereux terrain et glissaient à chaque pas qu’ils faisaient. Bientôt, ce fut une ahurissante course-poursuite qui se déroula devant nous." Voici, je m'interrompt comme d'habitude à un point épique vous laissant tout le loisir d'imaginer le fin comme vous le voulez. A bientôt! Aymar

Publié dans lemanoir

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J
curieusement oui<br />
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L
Impressionnant ! En même temps, je sais pas comment il a réussi a renverser une table de billard d'un coup de pied, y'a quand même une plaque de marbre dedans, je crois qu'il se serait explosé le pied, moi...
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F
Une histoire qui tient en haleine jusqu'à la fin!
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A
Excellent récit ^^ Une histoire croustillante et une expression remarquable !
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